Accueil A la une Avignon – une célébration poétique et musicale de la langue arabe : Nour–La langue, ce feu ancien, toujours vivant

Avignon – une célébration poétique et musicale de la langue arabe : Nour–La langue, ce feu ancien, toujours vivant

Parfois, une langue ne se contente pas de parler. Elle éclaire. Elle enlace. Elle résiste. Et ce soir, 15 juillet à la cour Saint-Joseph, lieu emblématique du Festival d’Avignon, la langue arabe ne sera pas un simple idiome, mais une matière vivante — une vibration, un souffle, une mémoire incarnée.

La Presse — Nour, qui signifie lumière en arabe, n’est pas un spectacle: c’est une traversée. Poétique, musicale, mystique, politique. Une nuit où les chants, les corps, les récits et les silences se tressent. Une nuit où les mots reviennent de loin — du désert antéislamique, des places publiques, des exils — pour dire l’amour, l’éveil, la lutte, la beauté.

Lynn Adib

Et ce soir, 15 juillet, l’Institut du monde arabe, en coproduction avec le Festival d’Avignon, y convie une constellation d’artistes, venus d’horizons multiples, pour célébrer la richesse de cette langue-monde. À la direction artistique, Radhouane El Meddeb, chorégraphe de l’intime et du sacré, signe la mise en scène pour donner à voir et à sentir une cérémonie plus qu’un spectacle, une offrande pour l’absolu d’une langue qui régie l’éternité.

Et Julien Colardelle orchestre les tempos, les entrelacements.  Ils ouvrent, ensemble, un espace où l’arabe se décline en musique, en danse, en souffle, en révolte. «Le temps d’une soirée, la cour Saint-Joseph deviendra l’écrin de cette cérémonie, où traditions, héritage et expressions contemporaines s’entrelacent. Une invitation à vivre la beauté et la grandeur d’une langue-monde, à la fois corps, souffle, et territoire de luttes.

Nawel-Ben-Kraiem

Ce souffle est porté par des voix puissantes : dont Emel Mathlouthi, Nawel Ben Kraiem, Abdullah Miniawy, Walid Ben Selim, Lobna Noomene, Lynn Adib, Abo Gabi, les musiciens: Sari et Rami Khalifé, Naïsam Jalal, Naghib Shanbehzadeh, Nidhal Jaoua, mais aussi les poètes Ahmad Katlesh, Rim Battal, Hala Mohammad… De la Palestine : Jumana Mustafa et Mohammed Al Qudwa. Chacun·e vient y déposer une mémoire, un chant, un fragment d’exil ou de joie, une résistance tissée de vers.

Le travail de Randa Mirza vient sublimer la soirée, elle qui déconstruit l’image pour mieux révéler les fractures invisibles. À travers une esthétique fragmentaire, elle interroge les récits dominants, les identités mouvantes, les zones de conflit entre soi et le monde. 

Au festival d’Avignon, ça sera une première. Une scène qui réunit autant d’artistes — musiciens, chanteurs, poètes et danseurs — venus de tout le monde arabe, dont la plupart ne se connaissaient pas ou n’avaient jamais travaillé ensemble. Autant de talents autour d’une langue, de la poésie, de la musique et de l’engagement est un geste rare, presque utopique. Chaque artiste y apportera son propre répertoire. Et ces fragments formeront un «Tout» compact et fusionnel. 

Comment célébrer la langue arabe sans évoquer Mahmoud Darwich, comment ne pas sentir le souffle de ses mots, comment le pas se laisser enflammer et par moments, bercer par des chansons qui nous ont marqué. Celles de Cheikh Imam ou Marcel Khalifa. Et comment ne pas croiser les « vers » de la voix libre de la Tunisie, Sghaier Ouled Ahmed dont l’ode en Tunisie résonnera par la voix de Lobna Lobna Noomene. 

Et quand la musique se taira, place aux paroles de Asmaa Azaizeh, fille de Haifa, une présence spectrale, une tonalité venue d’une terre en sang : «Je parle du sang en buvant mon café. Je parle des tombes en cueillant des marguerites dans la vallée d’Ibn Amer. Je parle des assassins en écoutant les éclats de rire de mes amis. Je parle du théâtre calciné d’Alep debout, devant vous, sur cette scène climatisée.

walid ben selim

Ne me croyez pas si je vous parle de la guerre».  Nour est un moment suspendu dans le temps, une soirée pour et avec la langue arabe, qui ne se muséifie pas. Elle s’invente. Elle s’incarne. Elle s’énonce dans le rap et le slam, se déploie dans  des chansons contemporaines arabes, par des artistes auteurs et compositeurs qui poussent les limites du chant et des arrangements de la musique arabe, des voix incarnées, habitées par de l’engagement politique pour atteindre l’universel.

Elle  se murmure dans des poèmes qui hurlent doucement. Elle est politique sans slogan, mystique sans dogme. Elle est tout entière là, présente, dans les corps qui la parlent, dans les rythmes qui la dansent.Et l’on comprend alors ce que Nour veut dire : que cette langue est bien plus qu’un outil. Elle est territoire. Résidence. Elle est une façon d’habiter le monde.

De le dire autrement. Nour est un geste rare : un espace de résonance, où la langue arabe ne cherche ni à s’expliquer ni à s’excuser. Elle se donne ; entière. Et dans cette offrande, c’est toute une humanité que l’on reconnaît.

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